Le devoir : les thèses essentielles de Hans Jonas dans Le principe Responsabilité, par Cynthia Fleury
Le passage où Cynthia Fleury analyse les thèses de Jonas se trouve, dans la conférence "découvrir Hans Jonas et les philosophies de l’écologie", entre 8 et 18 mn (en streaming : non téléchargeable)
Après avoir rappelé très rapidement les idées de Heidegger sur la technioque comme arraisonnement, Cynthia Fleury livre les grandes lignes de la thèse de Hans Jona, en s’arrêtant sur deux points :
1°) "nous avons de devoirs envers les générations futures"
2°) "ce qui est un bien pour nous-même n’est pas nécessairement un bien pour autrui"
Pour Jonas, la situation actuelle est totalement inédite :
l’homme est devenu dangereux pour lui-même et pour la biosphère ; d’où, selon Jonas, une solidarité d’intérêt entre l’homme et la nature.
=> protéger la nature, c’est protéger l’homme et, réciproquement, pour protéger l’homme, il faut protéger la nature.
En effet, la préservation de la nature (oxygène, eau…) est une des conditions de la vie (humaine) sur terre
=> dans cette optique, le « souci environnemental » se fonde sur une approche anthropocentrique (par opposition à d’autres types d’écologie, qui considèrent que l’homme n’est qu’un élément parmi d’autres au sein de la nature et qu’il n’a pas plus de droits que les autres vivants)
=> mais le problème vient de que l’homme est désormais un « Prométhée déchaîné » : il contrôle et maîtrise la nature à l’aide de techniques qu’il ne contrôle pas ou plus lui-même…
On a affaire, selon Jonas, aujourd’hui à un nouvel événement de pensée qui va modifier considérablement notre conception du temps, de l’existence et de la politique : le sentiment que la terre aussi peut mourir (un sentiment beaucoup plus rationnel et scientifique que n’ont pu l’être les différentes théories, souvent irrationnelles, sur l’apocalyspe)
La fragilité, la vulnérabilité ou la précarité de l’homme (mortel) s’étend désormais, du fait de l’action de l’homme sur la nature, au monde dans lequel il vit.
D’où le nouvel impératif qu’il propose = « Agis de telle façon que ton action soit compatible avec la permanence de la vie sur terre » C’est un impératif qui a intégré l’idée que l’humanité est peut-être en train de commettre l’irréparable
Plusieurs bouleversements, selon Jonas, sont induits par l’état de la planète et par une technologie toujours plus déchaînée
le 1er bouleversement est éthique
la nouvelle “responsabilité” dont parle Jonas est non-réciproque : elle m’oblige à l’égard d’un avenir qui n’existe pas, et auquel je ne demanderai pas de comptes.
=> j’ai des devoirs envers les générations futures alors même qu’elles n’ont aucun devoir vis-à-vis de moi
Jonas construit son « principe responsabilité » en complément de celui de Kant. L’impératif moral, chez Kant, était le suivant : « Agis de telle sorte que la maxime de ton action puisse être universalisable »
Kant concevait ainsi une éthique au présent et pour le présent ( pour les autres personnes vivant actuellement) et une éthique où un bien pour soi-même est nécessairement aussi un bien pour autrui
Pour Jonas, en revanche, il s’agit d’une éthique qui s’intéresse au sort des générations futures
le 2nd bouleversement est politique
« ce nouvel impératif s’adresse beaucoup plus à la politique publique qu’à la conduite privée, cette dernière n’ayant pas la dimension causale à laquelle l’impératif peut s’appliquer. »
Les individus seuls sont impuissants à produire des effets concrets et efficaces (il ne suffira pas que chacun se mette dans son coin à réduire sa consommation d’eau… mais il faut un renouveau de la vie politique)
La politique devra, si elle veut éviter un suicide planétaire, intégrer dans son mode d’action le temps long qui est le temps par lequel la nature agit (les espèces disparaissent moins brutalement que les individus, la dégradation des ressources naturelles se fait ressentir moins brutalement que la dégradation d’un objet par exemple)
Cela rend inévitable des décisions politiques d’ampleur qui ne peuvent procéder que d’une concertation internationale et d’une vision partagée du bien commun.
Le 3eme bouleversement est scientifique : nous sommes passés de « l’utilisation de la nature à la fabrique du vivant »
la science a changé de statut : elle ne cherche plus seulement à connaître les phénomènes (quelle est la nature des phénomènes, quelle est la nature de l’homme… ?) mais elle est désormais appelé, par sa puissance même, à définir le bien ou le mal (que dois-je faire quand des parents veulent un enfant sauveur… ? À qui donner un organe ? )
La science tend à modifier le génome : la science est devenue une pratique ; le médecin n’a plus seulement à préserver une vie existante mais à définir une vie à venir ; il devrait répondre à la question « quelle vie, quelle nature humaine, dois-je produire ? Or en a-t-il le droit ?
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