Le pouvoir, le droit : une adaptation cinématographique de l’expérience de Milgram, dans I comme Icare, film de Henri Verneuil
exercice possible : rédiger un paragraphe où vous exploitez l’expérience de Milgram pour un des sujets suivants : peut-on se connaître soi-même ? peut-on avoir peur de soi-même ? Toutes les expériences scientifiques sont-elles légitimes ? Quel sens et quelle valeur peut-on accorder à l’expérience ?
Texte 1 : résumé de l’expérience réalisée par Stanley Milgram(1933-1984) professeur de psychologie à New York. Des volontaires sont recrutés par annonce, en échange d’un peu d’argent. Ils ne savent pas sur quoi porte réellement l’expérience ; on leur a dit qu’il s’agissait d’une banale expérience sur la mémoire et l’apprentissage. Le but est de savoir jusqu’à quel point chaque sujet suivra les instructions de l’expérimentateur, alors que les actions qu’on lui demande d’exécuter vont entrer progressivement en conflit avec sa conscience...
Résultat de l’expérience faite par Milgram (et réitérée par d’autres chercheurs ensuite en faisant varier – ou pas - les conditions expérimentales) : sur 40 personnes, 26, soit 65% sont allées jusqu’à 450 volts ! Rappelons que dès 330 volts, l’élève ne répond plus, et que des maîtres ont cru qu’il était mort, mais ont néanmoins continué.
Texte 2 : « Il eût été réconfortant de croire qu’Eichmann était un monstre. [...] L’ennui, avec Eichmann, c’est précisément qu’il y en avait beaucoup qui lui ressemblaient et qui n’étaient ni pervers ni sadiques, qui étaient, et sont encore, effroyablement normaux. Du point de vue de nos institutions et de notre éthique, cette normalité est beaucoup plus terrifiante que toutes les atrocités réunies, car elle suppose que ce nouveau type de criminel commet des crimes dans des circonstances telles qu’il lui est impossible de savoir ou de sentir qu’il a fait le mal. À cet égard, les faits rappelés au tribunal de Jérusalem sont encore plus convaincants que ceux qu’on évoqua à Nuremberg. Les principaux criminels de guerre avaient alors justifié leur bonne conscience par des arguments contradictoires : ils se vantaient à la fois d’avoir obéi aux « ordres supérieurs » et d’avoir, à l’occasion, désobéi. La mauvaise foi de ces accusés était donc manifeste. Mais se sont-ils jamais sentis coupables ? Nous n’en avons pas la moindre preuve. Certes, les nazis, et particulièrement les organismes criminels, auxquels appartenait Eichmann, avaient, pendant les derniers mois de la guerre, passé le plus clair de leur temps à effacer les traces de leurs propres crimes. Mais cela prouve seulement que les nazis étaient conscients du fait que l’assassinat en série était chose trop neuve pour que les autres pays l’admettent. Ou encore, pour employer la terminologie nazie, qu’ils avaient perdu la bataille engagée pour « libérer » l’humanité du « règne des espèces sous-humaines », et de la domination des Sages de Sion en particulier. Elle prouve seulement, pour employer un langage plus courant, que les nazis reconnaissaient qu’ils étaient vaincus. Se seraient-ils sentis coupables s’ils avaient gagné ? [...] Tous les systèmes juridiques modernes supposent que pour commettre un crime il faut avoir l’intention de faire le mal. Les peuples civilisés s’enorgueillissent tout particulièrement de ce que leur jurisprudence prend en considération ce facteur subjectif. Quand cette intention est absente, quand, pour une raison ou une autre, fût-ce l’aliénation morale, la faculté de distinguer le bien du mal est atteinte, nous pensons qu’il n’y a pas eu crime. (…) Eichmann n’était pas stupide. C’est la pure absence de pensée — ce qui n’est pas du tout la même chose — qui lui a permis de devenir un des plus grands criminels de son époque. Cela est « banal » et même comique : avec la meilleure volonté du monde on ne parvient pas à découvrir en Eichmann la moindre profondeur diabolique ou démoniaque.« Hannah ARENDT, Eichmann à Jérusalem, Rapport sur la banalité du mal, 1963.
Voir en ligne : extrait de I comme Icare : l’expérience de Milgram