Autrui. Huis Clos, Sartre. Le Regard1. "l’épreuve du regard"
« Autrui est d’abord l’être pour qui je suis un objet. C’est ce dont témoigne l’épreuve du regard » Sartre, L’être et le néant.
Cet extrait de Huis Clos (de 19’50 à 21’35) illustre la notion de regard sartrien. Garcin se ronge les ongles, ce dont il n’avait pas conscience lui-même, et cela fait dire à Inés qu’il a peur. Mais Garcin ne se voit pas, ni ne se perçoit comme ayant peur. Car ce geste, il le vit simplement, sur le mode du pour-soi, sans lui accorder aucune signification. C’est le regard d’Inès qui le constitue comme signifiant.
Scène que l’on peut rapprocher de cet extrait de l’Etre et le néant où Sartre analyse la structure de la honte :
« Ce geste colle à moi, je ne le juge ni ne le blâme, je le vis simplement, je le réalise sur le mode du pour-soi. Mais voici tout à coup que je lève la tête : quelqu’un était là et m’a vu ; […] autrui est le médiateur indispensable entre moi et moi-même […]. Par l’apparition même d’autrui, je suis mis en mesure de porter un jugement sur moi-même comme sur un objet, car c’est comme objet que j’apparais à autrui.[...] Ainsi autrui ne m’a pas seulement révélé ce que j’étais, il m’a constitué sur un type d’être nouveau qui doit supporter des qualifications nouvelles. Cet être n’était pas en puissance en moi avant l’apparition d’autrui car il n’aurait su trouver de place dans le Pour-soi. […] cet être nouveau qui apparaît pour autrui ne réside pas en autrui ; j’en suis responsable [...]
J-P. Sartre, L’être et le néant (1943), éd. Gallimard, coll. « Tel », 1976, pp.259-260