SUR LES PAS
DES COMBATTANTS
DE VERDUN

Parcours pédagogiques
1916-2016

Paysages et empreintes de la guerre
INTRODUCTION 

VERDUN, LIEU D’EXCEPTION

Venir sur le champ de bataille de Verdun, c'est aller à la rencontre d'un lieu d'exception pour découvrir les traces d'un territoire « gueule-cassée ». C'est également parcourir un territoire sur lequel, depuis bientôt un siècle, les hommes se sont efforcés de réinventer, après l'apocalypse de la bataille, un paysage dont la mosaïque s'articule autour de plusieurs composantes.

Les paysages sont marqués par la violence des combats. Autour de l'ouvrage de Thiaumont, la terre est comme éventrée, marquée par l'empreinte de la guerre industrielle. Il y a ces lieux, entièrement anéantis, engloutis par la bataille, tel que Fleury-devant-Douaumont ; ses vestiges mêlés aux traces des combats restituent le souvenir d'un village détruit et déclaré « mort pour la France ». Ces paysages sont créés pour la commémoration et le deuil ; ils participent ainsi à la transformation d'une forêt-reliquaire en une forêt-patrimoine, transformation illustrée par l’ouvrage de Froideterre.

Devant Verdun, ces paysages en bataille depuis un siècle offrent la possibilité de construire un parcours pédagogique autour de trois grandes thématiques d'activités, développées sur quatre lieux situés dans la zone centrale du champ de bataille.

La première thématique relève de l'observation et de la lecture des marqueurs de violence de la guerre industrielle à travers les traces visibles des combats : les sols criblés d’impacts, le village détruit de Fleury-devant-Douaumont, dont il ne reste que des pierres éparses, ou encore les bétons rongés et les ferrailles hérissées de la fortification anéantie de Thiaumont.

Les formes d'expression du deuil et de la commémoration, quant à elles, symbolisent la dimension exceptionnelle de l'affrontement ; elles expriment le recueillement de toute une nation, le deuil impossible des disparus, et témoignent de la force des liens qui unissent les combattants. Ces formes d’expression ont permis la construction de la mémoire de la bataille de Verdun, de la victoire à la réconciliation, du pèlerinage au tourisme historique.

Enfin, l'observation et l'étude de la reconquête du territoire dévasté permet d’observer la fabrique d'un paysage singulier, envahi par le végétal qui s'impose en maître. Ce nouvel écosystème, marqué par les séquelles environnementales du conflit, présente notamment une faune reptilienne et amphibienne réadaptée ainsi que certaines espèces amenées par les armées.

Tourelle de mitrailleuse ouest du fort de Douaumont.
Calotte d'acier martelée par les obus. Champ de bataille de Verdun.
Jacques Grison, Verdun 30 000 jours plus tard, Paris, Textuel, 2008.

  • Niveau
  • Période
  • Espace du champ de bataille
  • Thématiques abordées
  • Monuments et vestiges abordés
  • École, collège et lycée
  • De 1916 à aujourd’hui
  • Thiaumont

    Douaumont

    Fleury-devant-Douaumont

    Froideterre

  • Des ruines à la mémoire

    La reconstruction d’un paysage


  • Ouvrage de Thiaumont

    Village détruit
    de Fleury-devant-Douaumont.

    Monument aux morts
    de Fleury-devant-Douaumont.

    Ouvrage de Froideterre

    Forêt domaniale de Verdun

Les paysages de la guerre vus par Philippe Claudel

Dans la préface de l'ouvrage photographique de Jacques Grison consacré aux traces de la Grande Guerre, Philippe Claudel interpelle le lecteur sur la puissante rémanence et la force d'évocation du champ de bataille de Verdun.

« Combien de temps faut-il à la terre pour effacer la guerre ? Et aux hommes pour la confier aux livres d’histoire, en la détachant de leur vie comme une peau morte ? Les jours et les nuits que l’on parvient à compter sont encore des membres qui bougent, des corps qui se traînent vers une aube qui n’existe plus depuis longtemps. Heures et minutes versées à pleines mains dans d’immenses sabliers, secondes par fournées entières jetées dans la gueule de monstres qui en demandent encore et encore. Le temps qui les réunit n’est pas le temps des hommes. C’est l’eau noire amenée au moulin de l’infini. On peut choisir de ne voir que des vestiges dans les paysages parcourus, mais on peut aussi vouloir y saisir l’écho des souffrances, le murmure englué dans des ferrailles tordues, rouillées, des arêtes éboulées, des croupes amoindries, des saillies et des bossellements recouverts d’herbe fraîche. […]

Lorsque je vais aujourd’hui dans les paysages qui m’entourent et qu’à mes bottes, dans les mois de printemps et d’automne, adhère une glaise trempée, je sais qu’en elle réside la métamorphose des sangs et des chairs sacrifiés, mêlés d’ailleurs si bien ensemble qu’on n’y peut en distinguer les provenances. Je vis aujourd’hui, mais je connais l’hier. Je me souviens qu’il a existé et j’en tremble souvent. Mais je ne veux pas pour autant qu’il ternisse mes heures. Je suis comme cet arbre qui autour du fer insolent qui tentait de le meurtrir a secrété sa sève ligneuse pour le marier à lui. Et c’est plein de cet espoir que je marche dans les forêts et dans les champs, que mes yeux se posent sur les fantômes de tranchées, moussus et arrondis, les collines criblées et les murs ouverts au grand ciel pâle. J’écoute le vent me dire que je ne suis rien, rien du tout, mais qu’il y a en moi à demeure les nombres, les sourires et les voix, que je suis seul, debout dans un lieu oublié de l’univers, aussi méprisable qu’un grain de poussière, mais qu’il faut que je dise ce qui a eu lieu ici.

Que je le dise et le redise. Une fois. Dix fois. Trente mille fois. Trente mille milliards de fois. »

Philippe Claudel, « Décompter – Raconter », préface à Verdun, 30 000 jours plus tard, Jacques Grison, Paris, Textuel, 2008.