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Musique et couleurs
Article mis en ligne le 22 janvier 2015

par Aurélien Robinet
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Eléments culturels.

Si le lien entre musique et couleurs n’est pas forcément évident, nous verrons que nombreux sont ceux ayant cherché à l’exploiter. Concrètement, cet article consiste essentiellement en des apports culturels. Le but est de vous faire découvrir des artistes, des auteurs, qui ont réfléchi au lien entre musique et couleurs, dont vous n’avez peut-être jamais entendu parler.

Commençons par une anecdote personnelle. Il y a quelques années, alors que j’enseignais en classe unique, une élève de grande section a pris la parole en séance de chant pour me demander si nous pouvions «  chanter la chanson bleue ». Aucun rapport avec Maxime Leforestier, bien sûr. Ce fut ma première découverte de la synesthésie. Dans Le Petit Robert, elle est définie comme un « trouble de la perception sensorielle caractérisé par la perception d’une sensation supplémentaire à celle perçue normalement, dans une autre région du corps ou concernant un autre domaine sensoriel. » Cette « confusion » de sens pouvant faire percevoir les sons en couleurs.

La relation couleur-musique existe depuis longtemps, et se manifeste d’abord à travers le langage. Les termes employés par le peintre ou le musicien sont très souvent similaires : «  ton, nuance, gamme, note, étude, chromatisme, harmonie, valeur, thème, motif, forme, rythme » De même, la façon de s’exprimer couramment pour évoquer le sentiment qu’on peut avoir à l’écoute d’une œuvre a souvent une connotation visuelle. On dira ainsi d’une œuvre qu’elle est sombre, ou du timbre d’un instrument qu’il est brillant.

Du point de vue historique, ce rapport se manifeste dès le XVIe siècle à travers différentes inventions (le système d’équivalence entre couleurs et hauteurs de sons inventé par Arcimboldo, le clavecin de Louis-Bertrand Castel capable, selon lui, de « peindre les sons et toutes sortes de pièces de musique »…). Au XIXe siècle, avec le concept d’ « Art total », les artistes abolissent les frontières existant entre musique et arts plastiques.

Mais c’est au XXe siècle que la couleur prend une importance considérable chez les compositeurs. Au début des années 1900, les liens entre les courants picturaux et musicaux se resserrent. On assimile fréquemment le compositeur Claude Debussy au courant impressionniste. Ce dernier accordait d’ailleurs un soin tout particulier à la couleur instrumentale et au timbre. Sur la vidéo qui suit, la musique de Claude Debussy (Clair de Lune) accompagne les peintures d’Alfred Sisley :

Au début du XXième siècle, l’École de Vienne avec à sa tête le compositeur Arnold Schoenberg va plus loin en inventant le concept de mélodie de timbres, le timbre de l’instrument étant associé à la couleur du son. Ainsi dans « Cinq pièces pour orchestre, op. 16, 5ème mouvement » (1909) le principe est de construire non pas une mélodie de hauteur, mais une mélodie de timbres. Ce qui explique un accès un peu difficile à la première écoute. N’hésitez pas à renouveler l’expérience...

Pour approfondir l’École de Vienne, Anton Webern :

Le véritable précurseur de l’utilisation de la couleur comme élément inhérent à l’œuvre musicale est Alexandre Scriabine, qui en 1908 compose Prométhée le poème de Feu. Cette œuvre nécessite l’utilisation d’un clavier à lumière durant la représentation, celui-ci étant « destiné à projeter des couleurs changeantes selon la gamme du spectre. » Scriabine avait établi un système de correspondances entre couleurs et tonalités (do majeur correspondait à la couleur rouge, fa dièse majeur à un bleu éclatant). La force visionnaire de Scriabine est cependant encore trop grande pour que la réalisation de l’instrument soit possible, et la création de l’œuvre en 1911 est donnée sans lumières. Les tentatives suivantes connaissent également peu de succès et il faudra attendre 1975 pour que le projet du compositeur connaisse une interprétation à sa hauteur : celle de l’Orchestre symphonique de l’Université d’Iowa, sous la direction de James Dixon, utilisant un appareil à laser pour la diffusion des couleurs.
En voici un aperçu :

Dans la seconde moitié du XXe siècle, la couleur tient une place très importante dans la musique. Le développement des rapports entre couleur et musique est surtout dû à Olivier Messiaen. Le compositeur affirme : «  il y a la recherche du son-couleur, qui est la plus grande caractéristique de mon langage. » Dans l’ouvrage Musique et couleur, il définit ainsi la couleur de ses modes « Pour moi, le mode 2 n°1 se définit ainsi : " Rochers bleu-violet, parsemés de petits cubes gris, bleu de cobalt, bleu de Prusse foncé, avec quelques reflets pourpre violacé, or, rouge, rubis, et des étoiles mauves, noires, blanches. La dominante est : bleu-violet." »
Depuis les débuts de ses créations jusqu’à ses dernières pièces, la couleur, comme le rythme et les chants d’oiseaux, constitue en effet pour Messiaen une quête indispensable à la réalisation de ces œuvres. (Quatuor pour la fin du temps, 1940, Saint-François d’Assise, 1975). Compositeur ayant établi des règles subjectives autour de la relation son-couleur, il développe ses idées dans le monumental Traité de rythme, de couleur et d’ornithologie où il analyse avec une extrême précision la couleur correspondant aux accords de différentes œuvres. Cette association du son et de la couleur renvoie également à l’idée de synesthésie : « Sans être atteint de synesthésie physiologique, lorsque j’entends, ou lorsque je lis une partition en l’entendant intérieurement, je vois intellectuellement des couleurs correspondantes qui tournent, bougent, se mélangent.  »

Toujours dans l’idée d’associer des couleurs à une production musicale, Iannis Xenakis compose en 1967 le Polytope de Montréal, installation créée la même année lors de l’exposition universelle qui avait lieu au Canada. L’œuvre est une synthèse des techniques de composition de Xenakis, au service de la lumière : « Toute mon expérience de la composition musicale, je l’ai utilisée ici pour la lumière : le calcul des probabilités, les structures logiques, les structures de groupe. »
Dans Metastasis, Iannis Xenakis s’intéresse aussi au spectre du son, associant une fois de plus la couleur au timbre.
En voici un aperçu :

Aujourd’hui, de nombreux compositeurs s’essayent encore à faire du lien entre musique et couleurs, en réalisant des installations sonores, voire en composant des pièces où le visuel et le sonore ont la même place. Citons à titre d’exemple l’opéra vidéo de Fausto Romitelli An index of metals dont voici un extrait :

Citons également le compositeur/peintre Hector Parra pour qui le lien image/danse/musique est la principale composante de son processus de création.

Dans la classe :

Comme nous l’avons vu, le lien entre musique et couleurs peut être fait avec les élèves à travers le langage enployé pour décrire une oeuvre musicale. On associera verbalement sans difficulté des couleurs à une musique sombre par exemple.
On peut également tenter l’expérience de l’association inconsciente d’une gamme de couleurs à une musique. On remarquerait alors que sur une musique dite "triste" caractérisée par une prédominance d’accords mineurs les couleurs froides domineraient, alors que des tons chauds seraient préférés sur une musique dite "gaie" où les accords majeurs dominent.

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